Il y a quelques jours, j’ai publié un article pour me présenter. J’y explique que je suis en train d’achever mon doctorat d’économie à l’Université de Strasbourg et à l’Université de Lorraine. Si vous êtes vous-même doctorant et/ou titulaire d’un doctorat, vous devriez voir à peu près ce que je fais dans ma vie. Mais pour le reste d’entre vous, certainement la majorité d’ailleurs, ce qu’est exactement « le doctorat » n’est pas forcément très évident. Laissez-moi vous en dire quelques mots.
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Le plus haut diplôme au monde
Avant toute chose, il faut bien avoir en tête deux choses :
- Le doctorat est un diplôme de portée internationale, il n’est pas spécifique à la France et est reconnu quasiment partout (donc une fois mon doctorat en poche, je peux le faire valoir dans n’importe quel pays sans trop de difficultés)
- Dans tous les pays du monde (y compris en France), le doctorat est le diplôme le plus élevé qu’il est possible d’obtenir lors d’un cursus universitaire
Dans les pays anglo-saxons, le doctorat s’appelle « PhD ». L’usage de ce terme se répand de plus en plus. Il est d’ailleurs possible (et relativement usuel) de le mentionner sous la forme « Olivier Simard-Casanova, PhD ». La reconnaissance sociale du doctorat est encore plus intense en Allemagne, où il est même possible de faire apparaître le titre de « Dr. » sur ses papiers d’identités !
En France, le doctorat confère à celui qui l’obtient le titre de « docteur », et ce quelque soit la discipline du doctorat. Contrairement à l’usage, les « docteurs » ne sont donc pas nécessairement « docteurs en médecine ».
À ce propos, et sans dénigrer la difficulté de son obtention, il faut d’ailleurs noter que le doctorat de médecine se rapproche plus, dans sa forme, d’un mémoire que d’une véritable thèse. Ça n’est pas un « vrai » doctorat au sens classique du terme – aux États-Unis, on désigne d’ailleurs les médecins par MD et non par PhD (sauf lorsqu’ils ont bien sûr un PhD !).
Alors qu’est-ce donc, un « vrai » doctorat ?
Pour un doctorat classique (donc hors médecine et disciplines apparentées), l’objectif est pour la personne qui l’entreprend de se former par la pratique au travail de chercheur. On attend donc d’un doctorant (l’étudiant en doctorat) qu’il rédige des articles scientifiques, dont la destinée est d’être publiés dans des revues scientifiques. Le tout entrant dans le cadre d’un document plus large que l’on appelle… « thèse ». Si l’on voulait être très schématique, on pourrait résumer l’activité du doctorat à la rédaction de la thèse – mais une fois encore, c’est vraiment schématique…
Dans le détail, le doctorat dure en général entre trois et quatre ans (selon les domaines – c’est plutôt quatre en économie, trois en biologie par exemple). Dans de nombreuses disciplines (y compris en économie), le doctorant est habituellement salarié par l’université où il réalise son doctorat ; il a donc un statut hybride d’étudiant et de salarié. Par exemple, je suis inscrit comme doctorant à l’Université de Strasbourg – j’ai donc une carte étudiant de cette université. Et je suis salarié (en CDD) de l’Université de Lorraine – j’ai donc une carte professionnelle de cette dernière (où il y a d’ailleurs une erreur puisque je suis considéré comme maître de conférences).
Le doctorant ne travaille pas seul, il est encadré par un ou plusieurs directeurs de thèse, qui sont là pour (théoriquement) le guider dans son travail (je dis bien « théoriquement » car il existe de nombreuses expériences difficiles d’encadrement, aussi bien du point de vue du doctorant que du directeur de thèse). Il est habituellement rattaché au même « laboratoire » (ou centre de recherche) que son directeur. Dans certains cas, le doctorant peut aussi s’intégrer à une équipe de recherche plus large, qui peut faire partie de son laboratoire – mais pas nécessairement.
Une fois que la thèse est terminée, le doctorant fait une soutenance devant un jury, composé de son directeur et d’autres chercheurs expérimentés – entre trois et six, en général. Si le jury considère que la thèse est suffisamment bonne, alors le doctorant obtient le grade de docteur (et offre ensuite un coup à boire à tout son laboratoire !).
« Le travail de chercheur », à quoi ça sert ?
Dans un certain nombre de pays mais surtout en France, les doctorants sont souvent perçus comme d’éternels étudiants ne sachant pas quoi faire de leur vie. Disons-le, pour certains c’est effectivement le cas, mais attention aux généralisations hâtives.
Le doctorat est un diplôme long et particulièrement difficile. De nombreux guides à destination des étudiants de Master réfléchissant à cette voie préviennent de cette difficulté – mais même en en étant conscient, on découvre sur place un niveau de difficulté encore plus élevé que celui qu’on imaginait. Le burnout est d’ailleurs (et assez tristement) très fréquent chez les doctorants – j’en ai moi-même un à mon actif…
Un autre cliché qui circule sur les docteurs est le fait qu’ils seraient des « rats de laboratoire », spécialistes d’un domaine très précis – et uniquement de cela. Bien évidemment, sur le domaine très pointu de la thèse, le docteur est un spécialiste incontestable. Mais il ne faut pas oublier les autres compétences apprises pendant le doctorat : gestion de projet, passage constant du spécifique au général, travail en équipe, capacités de réseautage pendant les conférences, apprentissage de l’humilité sans forcément tout remettre en question (la thèse c’est 90% d’échec…), gestion d’un budget, ténacité… Ces compétences-là sont, d’une certaine manière, exploitables par tout le monde et dans tous les contextes – et c’est pour cette raison que les docteurs, dans les pays étrangers, ont souvent accès aux postes à responsabilité. Le doctorat est tout sauf une période de trois à quatre ans passée à se tourner les pouces ou à ne rien apprendre. C’est une vraie expérience de vie, difficile et exigeante, où l’on apprend énormément sur soi-même et sur les autres.
En France, toutefois, le doctorat est encore peu reconnu, à la fois parce qu’il est relativement méconnu et du fait de la concurrence réelle ou perçue entre les docteurs et les élèves issus des grandes écoles.
Faire de la « recherche scientifique », en économie ?
Avant tout, le travail d’un doctorant consiste donc en l’achèvement d’un travail de recherche. En physique, chimie, biologie, on voit bien de quoi il peut s’agit, mais peut-on vraiment faire de la recherche en économie ? En sociologie ? En littérature ? Cette idée a-t-elle même un sens ? La réponse est oui !
J’ai prévu de rédiger un article spécifiquement sur le thème de la recherche scientifique en économie, mais pour le dire simplement : pourquoi serait-il impossible d’étudier les comportements humains ou des ouvrages en appliquant les principes de la méthode scientifique ? Qu’est-ce qui, fondamentalement, nous en empêche ? Et répondre que nous ne serions pas « objectifs » parce que nous faisons partie de l’objet que l’on étudie n’est pas un argument – car si l’on étudie les lois de la physique, n’y sommes nous pas également soumis ?
J’espère que par cet article, vous en saurez un peu plus sur ce qu’est le doctorat. Je pense qu’il est important que les chercheurs parlent simplement de ce qu’ils font « au reste d’entre nous », ne serait-ce que parce que pour l’essentiel, nos travaux sont financés par vos impôts et cela nous rend d’une certaine façon « comptables » de ce que nous faisons.
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