L’état de l’économie influence les résultats des élections. En France, des chercheurs ont montré que les PDG ayant des connexions politiques utilisent leurs firmes pour influencer certaines élections locales.
Il existe une vaste littérature en économie qui montre que les résultats des élections sont en partie déterminés par l’état de l’économie nationale ou locale. On pense notamment au chômage : lorsqu’il augmente, les élus au pouvoir ont plus de chance de perdre la prochaine élection. Une autre littérature montre également que les firmes peuvent jouer un jeu avec les politiciens pour obtenir des faveurs, comme des subventions ou des réductions fiscales.
Mais que se passe-t-il si le PDG d’une entreprise dispose de nombreuses connexions politiques ? Sera-t-il tenté d’utiliser son entreprise pour aider ses « amis » (au sens politique) à être réélus ?
Marianne Bertrand, Francis Kramarz, Antoinette Schoar et David Thesmar se sont posé cette question dans [zotpressInText item= »{VF9W7QKH} »]. Ils ont à leur disposition des bases de données françaises, leur travail est donc un travail empirique.
Les quatre chercheurs ont de nombreux résultats à présenter, mais le plus significatif est peut-être que oui, les PDG français ayant auparavant été membres de cabinets ministériels (donc ayant eu une carrière politique avant de devenir PDG) sont susceptibles d’utiliser leurs firmes pour influencer le résultat de certaines élections municipales. Typiquement, ils augmentent les embauches ou ouvrent de nouvelles usines pour soutenir les maires qu’ils veulent voir réélus.
Le problème de cette stratégie est qu’elle dégrade les performances de la firme : ces embauches ne sont pas justifiées par les besoins de l’entreprise, mais par des connexions politiques. Elles coûtent chers à l’entreprise1Les entreprises ayant une plus grande part de leur activité dans des villes politiquement contestées ont un taux de marge inférieur aux autres.. Pour cette raison, les PDG en question n’utilisent qu’avec parcimonie cette stratégie, principalement parce qu’une dégradation trop forte de la rentabilité de leur entreprise pourrait mettre en danger leur carrière.
Les chercheurs s’intéressent aux élections locales (municipales) car la décision d’une firme peut grandement influencer leur résultat : si une entreprise décide de fermer une usine dans un bassin d’emploi (ou, au contraire, de la sauvegarder temporairement), l’effet sera très visible aux yeux des électeurs. Inversement, au niveau national (en tout cas en France), il est plus difficile pour une firme d’influencer les conditions économiques – il est donc moins rentable de payer le coût en rentabilité pour un bénéfice politique limité. L’article montre que les conditions économiques de la ville influencent bien les résultats des élections (locales).
Avec les données à disposition des chercheurs, il n’était pas possible d’identifier si ce sont les politiciens qui ont demandé de l’aide aux PDG, ou si ce sont les PDG qui ont offert leur soutien aux politiciens. Ce qui est certain, en tout cas, c’est que ce soutien ne se traduit pas par un meilleur accès à des subventions ou à des ristournes fiscales – ce qui pose la question de savoir pourquoi les PDG concernés utilisent ces stratégies, sachant que la proximité idéologique avec le politicien local ne semble pas non plus expliquer leur utilisation…
Il est aussi clair que les connexions entre politiciens sont rendues possibles par le fait que de nombreux hauts fonctionnaires français finissent à la tête des grandes entreprises, ce qui ne surprendra personne quand on sait la proximité (documentée) de la haute fonction publique française avec les grandes entreprises parisiennes.
Image de couverture : Shadowgate sur flickr